Par Stanislas pour Carré Or TV
Emotions garanties !
Rentrée 42 – Bienvenue les enfants est une pièce actuellement jouée à la Comédie Bastille à Paris, qui plonge le spectateur en pleine Seconde Guerre mondiale. L’histoire se déroule à l’école Victor Hugo, située dans le 11ᵉ arrondissement de Paris, lors de la rentrée des classes en octobre 1942. Alors que la vie scolaire semble vouloir reprendre son cours, l’absence inexplicable de 109 élèves sur les 123 inscrites devient rapidement une métaphore tragique de la rafle du Vél’ d’Hiv survenue quelques mois plus tôt, en juillet 1942.
Un contexte historique lourd
La pièce, écrite par Pierre-Olivier Scotto et mise en scène par Xavier Lemaire, recrée un moment précis et dramatique de l’histoire. Elle met en scène quatre femmes, toutes enseignantes dans cette école de filles, ainsi qu’un gardien, Adolphe Bastien, qui veillent à protéger cet îlot d’éducation face à l’Occupation. À travers ces personnages, l’œuvre interroge la manière dont chacun réagit face à l’injustice et à la violence, en particulier celle qui frappe les enfants innocents.
L’école est un lieu de résistance discrète, mais le retour à une apparente normalité est impossible en cette rentrée scolaire bouleversée par l’Histoire. Alors que Radio Paris diffuse que « tout se passe comme d’habitude », le public découvre peu à peu l’horreur sous-jacente. Les institutrices sont confrontées à l’inacceptable, symbolisé par le vide laissé par ces enfants disparus.
Un jeu d’acteurs exceptionnel
Le succès de la pièce repose en grande partie sur l’interprétation puissante des comédiens, chacun incarnant un personnage dont la complexité psychologique et émotionnelle se déploie au fur et à mesure du récit.
Anne Richard brille dans le rôle de Gisèle Blanc, la directrice de l’école, qui porte sur ses épaules la lourde responsabilité de ses élèves. Elle incarne à merveille le mélange de professionnalisme et d’humanité, oscillant entre inquiétude, force et détermination face à cette rentrée inhabituelle. Sa prestation transmet une émotion palpable, faisant d’elle un personnage pivot dans la pièce.
Isabelle Andréani incarne Lucienne Tati, une enseignante bienveillante et généreuse. Elle joue ce rôle avec une légèreté initiale qui laisse place à une profondeur grandissante au fil des événements. Lucienne est une figure de douceur dans un univers devenu brutal, et Andréani apporte une chaleur réconfortante tout en capturant la transformation de son personnage face à la réalité.
De son côté, Émilie Chevrillon est parfaite dans le rôle de Monique Ricou, une institutrice profondément engagée et militante. Son personnage est celui qui, dès le début, comprend ce qui est en train de se produire, mais qui peine à convaincre ses collègues de la gravité de la situation. Chevrillon fait preuve d’une intensité marquante, incarnant la voix de la vérité, parfois désagréable, mais nécessaire.
Fanny Lucet, dans le rôle de Suzy Courcelles, complète ce quatuor avec subtilité. Suzy est une jeune enseignante issue d’un milieu aisé, et Lucet joue avec finesse les contrastes entre son privilège et la dure réalité qui s’abat sur l’école. Au début, elle semble déconnectée des événements, mais son évolution au cours de la pièce en fait un personnage complexe, capable de compassion et de remise en question.
Michel Laliberté, dans le rôle de M. Person, l’inspecteur, apporte une touche de froideur bureaucratique. Son personnage, distant et détaché, est le représentant d’un système oppressif, apportant une justification à l’injustifiable. Laliberté joue ce rôle avec une sobriété qui contraste avec les émotions débordantes des institutrices, renforçant ainsi la tension dramatique.
Enfin, Dominique Thomas, dans le rôle du gardien Adolphe Bastien, offre une prestation pleine de nostalgie et d’humour noir. Ancien combattant, il est le protecteur de cette école, se battant contre l’idée que la guerre et ses horreurs pourraient atteindre cet espace réservé aux enfants. Son personnage agit comme un rappel constant de l’absurdité de la guerre, et Thomas parvient à introduire une note plus légère tout en gardant la gravité nécessaire au récit.
Un hommage à la résistance ordinaire
Rentrée 42 – Bienvenue les enfants n’est pas seulement une pièce sur l’Occupation et la guerre. C’est avant tout une histoire de résistance humaine face à l’oppression, et de solidarité dans les moments les plus sombres. À travers le destin de ces femmes ordinaires, la pièce montre comment l’amour de l’enseignement, de la vérité et de la justice peut triompher, même temporairement, des pires circonstances. Leur courage devient une force motrice, et leur capacité à surmonter la peur inspire.
La scénographie, conçue par Caroline Mexme, avec des costumes de Christine Vilers, ajoute une authenticité précieuse à cette reconstitution historique. Le décor minimaliste permet de se concentrer sur l’intensité des interactions entre les personnages, tandis que la lumière et le son, créés par Didier Brun et Philippe Bozo, renforcent la tension dramatique.
Rentrée 42 – Bienvenue les enfants est une pièce poignante, portée par des comédiens exceptionnels qui réussissent à faire résonner une histoire universelle d’injustice et de résistance. À travers leur jeu, les spectateurs sont confrontés à la réalité de l’Occupation et aux drames silencieux qui ont marqué cette époque. Avec une écriture fine et une mise en scène intelligente, la pièce parvient à toucher, émouvoir et faire réfléchir, tout en rendant hommage à ceux qui ont, dans l’ombre, lutté pour la dignité humaine