Les Noces de Figaro
Un opéra majestueux en plein air

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A l’affiche : 

Du 16 juin au 9 septembre 2017

Lieu : 

Divers lieux

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13 Juillet – Cité de Carcassonne (11)

1er et 2 Septembre – Château de Haroué (54)

7, 8 et 9 Septembre – Hôtel National des Invalides (75)

 

Par Ingmar Bergmann pour Carré Or TV

 

« Tout finit par des chansons. »

 » Les noces de Figaro », sont un opéra bouffe en quatre actes de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), qui fut créé le premier mai 1786 au Burgtheater de Vienne, d’après le livret intégral de Lorenzo Da Ponte et inspiré de la comédie de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais « Le Mariage de Figaro » (1778).

« Les Noces de Figaro » sont, aujourd’hui, l’un des ouvrages les plus populaires du répertoire lyrique, souvent considéré comme l’un des opéras les plus parfaits jamais écrits.

Wolfgang Amadeus Mozart, que l’on qualifie « d’enfant prodige » dès l’âge de six ans, se lie d’amitié avec Lorenzo Da Ponte en 1786, dont il utilise le livret pour mettre en musique « Les Noces de Figaro » la même année. L’opéra reçoit alors un accueil triomphant, ce qui n’est pas le cas de tous ses travaux. Mort à trente-cinq ans, à Paris, dans une relative indifférence, Wolfgang Amadeus Mozart laisse un panorama artistique impressionnant, qui comprend plus de six-cent œuvres de tous les genres musicaux de son époque. « Les Noces de Figaro » regorgent d’accents tragiques aussi bien que comiques, de passion et de calembours, et créent un réel bouleversement, du dix-huitième siècle à nos jours.

L’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’art lyrique nous parle de notre siècle.

Un jeune homme, Figaro, interprété par le baryton-basse Norman Patzke, aime une jeune femme, Suzanne, interprétée par la soprano Norma Nahoun, et les deux jeunes gens prévoient de se marier, afin de concrétiser leur amour. Ils sont le valet et la camériste du couple du comte et de la comtesse Almaviva, respectivement incarnés par le baryton-basse Laurent Kubla et la soprano Lies Vandewege dont, suivant la sociologie de l’époque, ils partagent l’existence et l’intimité, et ce mariage ne peut se faire qu’avec la bénédiction de leur maîtres, dont ils ne doivent, en aucun cas, contrarier les intérêts.

Tout pourrait s’annoncer à merveille, puisque les deux amants fiancés, sont déjà les serviteurs des deux parties d’un même couple, lesquelles n’ont aucune raison de s’opposer à leurs vœux qui, finalement, les arrangent aussi, si le comte Almaviva n’était pas secrètement désireux d’obtenir les faveurs de Suzanne.

Puisque le comte Almaviva ne peut empêcher Suzanne de convoler avec un autre et puisque, suivant une ancienne tradition, sa position sociale dominante pense le rendre légitime afin de pouvoir profiter de la jeune femme avant son nouvel époux, l’enjeu principal des deux tourtereaux sera, dès lors, de trouver des parades à l’exécution de cet égoïste et violent projet, que l’on n’hésiterait plus, aujourd’hui, s’il devait finalement aboutir, à qualifier de viol ou, à tout le moins : d’abus, d’autant qu’il s’inscrirait après une longue période de harcèlement.

À cela s’ajoutent encore bien des péripéties qui, si elles nous portent d’abord à rire, n’en sont pas moins riches d’enseignement à l’endroit des mœurs d’une époque qui n’est pas toujours si éloignée de la nôtre, loin s’en faut.

Mystification.

 

Lorsque commence l’action, on apprend rapidement que, derrière la candeur supposée des deux jeunes amants, l’innocence et l’inexpérience ne sont pas également distribuées.

En effet, Figaro, le promis de Suzanne, serait déjà engagé ailleurs, auprès d’une femme plus âgée que lui, Marceline, interprétée par la mezzo-soprano Christine Tocci, à qui il aurait promis le mariage en dédommagement d’une dette d’argent qu’il aurait contractée auprès d’elle.

Nous sommes dans l’époque dite « de l’Ancien Régime », et le mariage « d’amour » (ou ce que nous appelons ainsi) qui est, finalement une invention récente, passe encore souvent pour n’être qu’une lubie d’auteur, puisque le thème traité, ici, par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais et Wolfgang Amadeus Mozart avec le concours de Lorenzo Da Ponte est, traditionnellement, l’un de ceux qui ont déjà eu la prédilection de Molière, au dix-septième siècle, et qu’il développe abondamment dans son théâtre.

Dans la réalité, on n’épouse pas parce que l’on aime, on épouse parce qu’on y a intérêt. Ainsi, à moins d’être, lui-même, en train de se faire mystifier par Marceline, Figaro a finalement monnayé sa main et s’est vendu pour de l’argent, ce qui peut passer pour une forme sophistiquée de prostitution masculine, à cela près qu’il pensait peut-être pouvoir échapper à l’obligation de s’acquitter de ses responsabilités et des engagements qu’il avait contractés auprès d’elle.

Fins des passions amoureuses.

 

Plus tard, on apprend aussi que la comtesse Almaviva est l’épouse délaissée d’un homme volage, car la vigueur que l’on prête traditionnellement à l’homme, lui impose de collectionner les conquêtes afin d’être révélée de manière éclatante et assoir le prestige de sa virilité, sur laquelle repose son autorité sociale. S’agit-il de fierté blessée ou d’amour déçu ? Peu nous importe ; ce qui nous apparaît en revanche comme certain, c’est la souffrance, pour l’épouse, d’être alors la personne qu’on ne regarde plus, quoique cela ne la mette pas, pour autant, à l’abri de la jalousie et des soupçons.

En effet, pendant un certain temps, pensant peut-être tromper la déshérence de ses sens et, probablement aussi, le mépris avec lequel sont accueillis ses sentiments, la comtesse Almaviva se prend d’affection pour un très jeune homme ; mais jusqu’à quel point va cette affection, et la limite entre l’affection et l’amour est-elle si facile à déceler ? Cette relation, inadmissible pour l’époux, est peut-être simplement comparable à celle d’une mère attentionnée et de son enfant ? Cela dit, n’est-ce pas de la misogynie, tant pour Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, que pour Lorenzo Da Ponte, Wolfgang Amadeus Mozart et encore pour nous, aujourd’hui, de présupposer que, lorsqu’elle a cessé d’être favorisée par Éros, une femme de bon sens n’aurait pas d’autre perspective à envisager que l’expérience de la maternité ? N’est-ce pas une méprise que de considérer que, passés les premiers moments, brûlants et surprenants pour la chair et l’âme, de la passion amoureuse, entre deux êtres mariés, l’enfantement doive désormais devenir leur seule raison d’être ensemble et que, si les amants se détournent l’un de l’autre, c’est du fait de l’infertilité de leur union, plutôt que du fait de la nature volage du cœur humain ?

Toujours est-il que la comtesse Almaviva, quoiqu’elle n’ignore pas les devoirs qui sont les siens, et qui sont autrement plus contraignants que ceux de son époux, se surprend à ressentir une attirance scandaleuse pour Chérubin, un jeune homme, ce que même la tradition littéraire médiévale de l’amour courtois ne condamnait pourtant pas si durement, et qui complique encore la situation.

Contrastes et paradoxes.

 

À propos de Chérubin, interprété par la mezzo-soprano Cécile Madelin, un personnage-archétype à tel point que son prénom est devenu un nom commun, nous savons qu’il s’agit d’un très jeune homme, presque encore adolescent, qui se pâme d’amour pour une femme qui pourrait être sa mère mais qu’il ne peut pas épouser, à la différence de Figaro qui se fiance d’abord à une femme qui a l’âge d’être sa mère mais qu’il n’aime pas. Nous savons aussi que, dans la tradition dramatique aussi bien que lyrique, il est d’usage de faire incarner le rôle de Chérubin par une jeune femme, comme si le fait de dévoiler la fragilité et la vulnérabilité des hommes s’apparentait finalement à révéler leur féminité et, inversement, comme si la « fragilité » était un autre mot pour dire « femme ».

Ainsi, l’homme ne serait que « force », et l’homme sans « force » ne serait pas un homme, de même que la « force » ne saurait être l’apanage d’une femme. Cela dit, cette dualité entre les sexes tend, aujourd’hui, à s’estomper de nouveau, en dépit des plus fervents réactionnaires.

Par ailleurs, rien n’est plus troublant que le personnage de ce Chérubin : il s’agit d’un jeune homme qui, pour endormir la méfiance du comte Almaviva, est obligé de se travestir en jeune fille, quant le Public ne peut pas feindre d’ignorer que l’interprète est déjà une femme, travestie en homme. Qui donc est l’objet du désir des uns et des autres ? La comtesse Almaviva est attirée par un jeune homme ressemblant fort à une jeune fille puis, le comte Almaviva est lui-même attiré par une jeune fille ressemblant fort à un jeune homme. Androgyne ou hermaphrodite, quel est donc le sexe de ce Chérubin et, selon que l’on est homme ou femme, à quelle forme de sensualité est-il possible d’imaginer se livrer, dans une alcôve, avec lui ?

Dans cette pièce, plus encore que Suzanne aux yeux de Figaro et du comte Almaviva, plus encore que Figaro aux yeux de la procédurière Marceline, sa prétendue fiancée, Chérubin est donc l’objet du désir de toutes et tous ; et chacun, selon son âge et surtout son sexe, investit ce désir d’une manière très singulière…

Coup de théâtre.

 

Plus tard, encore, nouveau coup de théâtre, invraisemblable, comme les comédies du dix-septième siècle français en ont le secret, et grand procédé qu’on rencontre déjà chez Molière : alors que le dénouement peine à advenir, la prétendue fiancée éconduite par Figaro découvre que Figaro n’est autre que l’enfant qu’elle a mis au monde, il y a des années, et qui lui avait été ravi. Il est heureux alors, pour la morale, que Figaro n’ait pas été un homme d’honneur et de parole car, autrement, il aurait déjà épousé sa mère. On fait le reproche au comte Almaviva d’avoir voulu abuser de Suzanne alors que la loi l’y inviterait presque ; mais on se réjouit que Figaro n’ait pas respecté la loi quant il ne s’agissait, alors, pour lui, que de se dérober lâchement à ses engagements, même s’il n’est pas interdit de déplorer qu’une société puisse pousser des jeunes gens à l’extrémité de devoir se vendre.

Si un moment de réflexion s’impose au Spectateur, c’est celui qui lui permettra d’apprécier la nature profondément artificielle, relative et arbitraire de la loi, et l’utilité de l’appliquer avec le plus grand discernement. Autrement dit, la loi ne garde pas de tout.

Pourtant, tout rentrera heureusement dans l’ordre, à la fin et, avec les différents caractères incarnés, brillamment, dans cette œuvre magnifique, le Spectateur, qui a médité, pendant la durée de la représentation, sur les vicissitudes de l’âme humaine et les contraignantes limites imposées par l’ordre social, est tenté de repartir en chantant que « tout finit par des chansons. »

Une tradition française.

 

Pour toutes ces raisons et mille-et-une autres encore, cette œuvre lyrique, dirigée par Yannis Pouspourikas, est intemporelle et nous parle des questions qui agitent notre époque ; ce n’est pas le moindre des mérites de cette élégante production, justement, que de nous permettre d’y accéder de plein pied, dans quelques-uns des plus beaux lieux anciens de l’Île-de-France, et la fraîcheur des nuits d’été. Une tradition française, s’il en est, longtemps portée par la Cour de Versailles : l’opéra, cette œuvre d’art total, prenant ses aises dans les jardins nocturnes des palais princiers.

Avant d’entamer sa carrière d’actrice, la metteuse-en-scène Julie Gayet a suivi des cours de chant lyrique et de théâtre. Elle a notamment eu l’opportunité d’interpréter l’air de Barberine au cours de ses études ; le choix des « Noces de Figaro » est donc l’occasion, pour elle, de renouer avec ses premiers pas sur la Scène.

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