Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde

Erik Satie

Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Intime et exaltant !

 

Nous avons tous entendu les « Gymnopédies », mais rares sont ceux qui connaissent le nom du compositeur : Erik Satie ! Parmi tous les musiciens du 20ème siècle, il nous vient immédiatement à l’esprit : Claude Debussy, Ravel… Mais Erik Satie a manifestement du mal à passer à la postérité !

Personnage très complexe, précurseur de la musique néoclassique, répétitive, ce grand compositeur n’en fréquente pas moins les cabarets, étant même à l’origine de mélodies de chansons dites populaires. Grand habitué du Chat Noir à Montmartre, son goût prononcé pour l’absinthe finira par lui ruiner la santé.

C’est sans doute parce qu’Erik Satie apparaît comme un compositeur hors du commun que Laetitia Gonzalbes s’est intéressée au personnage au point d’en faire une pièce de théâtre. Ce compositeur aux multiples facettes, dont la vie est un véritable roman, a fréquenté Debussy, Poulenc, Picasso, Braque, Derain…

N’ayant jamais été vraiment reconnu de son vivant, Satie est resté une figure obscure pour beaucoup. Sur le plan sentimental, on ne lui connaît qu’un seul amour avec la peintre Suzanne Valadon, mais une histoire passagère qui finit mal comme beaucoup d’histoires d’amour ! Elle a tout juste eu le temps de peindre son portrait !

Malgré les artistes qui l’entourent au quotidien, Satie demeure un être solitaire, vivant modestement durant de longues années à Arcueil, loin de l’agitation parisienne. Laetitia Gonzalbes, auteure et également metteuse en scène, a respecté très rigoureusement l’aspect physique de ce personnage fort singulier : lunettes rondes, faux col, long nez, barbe taillée en pointe, chapeau melon et parapluie.

Erik Satie 2

L’action se passe dans une maison de santé spécialisée pour les maladies psychiatriques. Anna, infirmière, lit le dossier du patient avec qui elle doit s’entretenir :

« Avoir composé les Gymnopédies à 22 ans et finir ainsi, c’est d’une tristesse. »

Elle tente d’établir un dialogue avec l’homme présent dans la pièce, qui de toute évidence se nomme Erik Satie. Ce dernier pourtant ne semble pas en être convaincu, ignore sa date de naissance et a une idée obsessionnelle : son parapluie. Puis, finalement, la mémoire de ce patient semble revenir. Il reprend le fil de son histoire, de sa vie. Il se rappelle les vives critiques d’un certain Auric et se met alors en colère. Son passé lui revient avec force détail et il cite Cocteau :

« Les acclamations incompétentes sont plus insupportables que les sifflets sincères. »

Il évoque alors Debussy, mais semble oublier que ce dernier n’est plus de ce monde. Il a de l’amitié pour ce génial compositeur, n’a-t-il pas fait pour lui trois morceaux en forme de poire ! Tous les souvenirs se bousculent. Soudain, alors que la musique des Gymnopédies retentit, Anna se met à danser, drapée dans un tourbillon de tulle blanc dévoilant à peine sa nudité. Erik Satie semble déstabilisé et demande à Anna de se rhabiller. À partir de cet instant, on ne sait plus très bien qui soigne qui.

Une dernière porte vient de s’ouvrir, la pièce bascule, et nous voilà à notre tour désorientés. Deux magnifiques comédiens partagent la scène du Théâtre de la Contrescarpe : Anaïs Yazit, jeune comédienne très prometteuse, sortie du Cours Florent et ayant pratiqué de longues années le flamenco. Elle danse avec Élliot Jenicot à plusieurs reprises au cours de la pièce et leur duo est absolument remarquable, ayant sans doute exigé de longues répétitions. Quant à Élliot Jenicot, ancien sociétaire de la Comédie-Française, il est tout à fait extraordinaire.

« Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde » interpelle. Pourquoi « comme tout le monde » ? Laetitia Gonzalbes n’a pas souhaité écrire une biographie classique de l’artiste maudit, elle a préféré nous faire connaître ce personnage complexe à travers une fiction nous permettant ainsi de mieux percer le mystère Satie et aussi le milieu psychiatrique.

Une pièce excessivement physique pour les deux comédiens qui se donnent à fond et qui nous renvoient beaucoup d’émotion. Très originale dans sa conception, mixant théâtre, comédie musicale et projection de vidéos réalisées par Suki, clin d’œil à la bande dessinée d’Hélène Coudray sur la vie de Satie en 2006.

« Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde » est vraiment une œuvre artistique à part entière. Un grand bravo à toute cette équipe géniale.

Extrait vidéo

Laisser une réponse

Votre adresse email ne sera pas publiéeLes champs requis sont surlignés *

*