Molly ou l’Odyssée d’une femme
Un voyage théâtral à travers Joyce

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Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Une superbe interprétation !

 

Hélène Arié et Antony Cochin ont mis en scène le dernier chapitre de « Molly ou l’Odyssée d’une femme » de James Joyce, auteur irlandais. Ce dernier a fait connaître son roman en le publiant sous forme de feuilleton aux États-Unis entre 1918 et 1920.

Ce texte n’a pas fait l’unanimité à l’époque et de nombreux détracteurs ont élevé leurs voix pour faire interdire un roman aussi sulfureux. Bien que James Joyce ait finalement renoncé à intituler son dernier chapitre « Molly, la chair qui dit oui », le scandale n’est pas retombé !

On ne présente plus Hélène Arié, actrice, comédienne, autrice et metteuse en scène. Quant à Antony Cochin, c’est un grand comédien que l’on a pu applaudir dernièrement dans « King Lear Syndrome ou les mal élevés ». En adaptant ce texte pour le théâtre, ce tandem a opté pour une mise en scène sobre : un fauteuil, un pouf, et une petite table.

Dublin, 17 juin 1904, 2h45.

Molly s’est levée ; elle ne peut rester au lit, elle n’a pas sommeil. Depuis longtemps déjà, elle et son mari Léopold Bloom ne font plus l’amour, cela remonte à la disparition de leur fils Rudy. Leur fille, également nommée Molly, a quitté le domicile familial pour faire ses études. Molly et Léopold Bloom vivent sous le même toit, dorment dans la même chambre, dans le même lit, mais vivent chacun de leur côté leur sexualité.

La vie actuelle de Molly ne la satisfait pas totalement. Plutôt que de plonger dans la mélancolie, elle assouvit ses désirs charnels avec des amants de passage. James Joyce fait référence à la mythologie et plus particulièrement au couple Ulysse et Pénélope : Ulysse résiste de toutes ses forces aux chants des sirènes, tandis que Pénélope fait et défait chaque nuit son ouvrage pour tenir sa promesse envers Ulysse.

Molly aime encore son époux mais leurs corps ne s’aiment plus. Debout, en pleine nuit, elle nous entraîne dans ses rêves éveillés. Elle se parle à elle-même, meublant ainsi la solitude de cette nuit qui n’en finit pas. Les images et les pensées se bousculent dans sa tête avec un certain désordre. Elle revoit son enfance, ses flirts d’adolescence, ses aventures amoureuses et son amour pour Léopold Bloom. Molly est sensuelle et se rappelle ses désirs les plus fous ; souvent elle se met à sourire et même à rire en décrivant certaines scènes érotiques.

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Elle s’exprime à haute voix sans aucune pudeur, mais après tout, il s’agit d’un monologue et nous ne sommes que des intrus. Elle a toujours été libre ; son désir féminin l’a conduite à avoir maints amants. Son ton est souvent drôle, irrévérencieux, émouvant parfois. Molly assume pleinement sa sexualité et s’en amuse. Au gré de ses pensées, elle passe d’un sujet à l’autre. En introspection sur sa vie érotique, elle se met alors à chantonner une mélodie puis déclare que les femmes n’ont pas la place qu’elles méritent dans la société :

« Quoi qu’on dise, ça serait bien mieux si le monde était gouverné par les femmes. Vous ne verriez pas les femmes aller s’entretuer et massacrer ; ils ne savent pas ce que c’est d’être femme et une mère. »

Il faut tout le talent d’Hélène Arié pour tenir un tel rythme en l’absence de ponctuation ! Le style littéraire de James Joyce a été décrié pour cette raison, mais il n’a pas laissé indifférents des penseurs comme Derrida ou Lacan, ainsi que de nombreux écrivains du XXe siècle. Le temps passe, les quarts sonnent à l’horloge du clocher, et les fantômes de Molly continuent de défiler, certains étant morts à la guerre. Le silence de la nuit ravive certaines blessures que l’on croyait à jamais disparues.

Bravo à Hélène Arié qui parle d’amour, de sensualité, et de son intimité en toute quiétude. Il demeure surprenant que l’auteur de « Molly » soit un homme ; il est vrai qu’il s’est beaucoup inspiré de sa femme Nora, ce qui lui a permis de se mettre vraiment dans la peau de Molly. James Joyce demeure incontestablement un auteur féministe, transgressif pour le début du XXe siècle, mais parfaitement dans le ton du XXIe siècle !

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