Coups de coeur

Le joueur d’échecs au Théâtre Essaïon

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Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Brillant… à ne pas rater !

 

Gilbert Ponté, comédien conteur, tel qu’il se présente, interprète actuellement au Théâtre Essaion : « Le Joueur d’échec » de Stefan Zweig. L’auteur, en exil au Brésil, écrit ainsi sa dernière nouvelle, texte testamentaire avant de se donner la mort en février 1942. Face à la montée du nazisme, Stefan Zweig, juif autrichien, a dû fuir son pays, comme beaucoup de ses compatriotes tels que Sigmund Freud et bien d’autres. La barbarie du régime du 3ème Reich constitue une plaie vivante pour l’écrivain.

Pacifiste convaincu, Zweig avait rêvé d’une Europe unifiée, mais aujourd’hui, il se voit contraint de vivre loin du vieux continent. L’auteur est à la fois le narrateur et le spectateur de cette nouvelle, dont l’action se déroule sur un paquebot reliant New York à Buenos Aires.

Lors de l’embarcation, des journalistes entourent un homme, des flashs crépitent. Le fameux passager sur le point d’embarquer pour jouer en Argentine n’est autre que Mirko Czentovic, champion du monde des échecs. Personnage arrogant mais d’une incurie légendaire, il ne refuse pas les parties d’échecs proposées par certains passagers de la croisière, à condition d’être rémunéré : 250 dollars la partie. Après tout, ce sont les échecs qui le font vivre.

Champion hors norme depuis son plus jeune âge, Czentovic bat sans difficulté les concurrents les plus coriaces, jusqu’au jour où un passager, présent à l’une des parties, souffle au joueur opposé à Czentovic la tactique pour déplacer ses pièces, anticipant ainsi la réplique tactique du champion. Le grand joueur est battu !

Bon joueur, Czentovic souhaite une revanche dès le lendemain. Le narrateur, également passager de la croisière, apprend de la bouche du mystérieux Dr B que celui-ci a été arrêté il y a une vingtaine d’années, mis au secret, seul dans sa cellule, et qu’il a pu surmonter les affres de sa captivité grâce à un manuel de jeu d’échecs qu’il a réussi à substituer.

Pendant son isolement forcé, le Dr B refait des centaines de fois les mêmes parties d’échecs pour sauver sa peau et éviter de sombrer dans la folie. Cette dépendance au jeu lui vaut néanmoins d’être interné puis enfin libéré. Le médecin qui le suit lui conseille de ne jamais rejouer une seule partie d’échecs, car il risquerait une rechute sévère.

Vingt ans se sont écoulés, mais sa mémoire a conservé de manière intacte l’échiquier et la manière de se déplacer pour gagner, du moins le pense-t-il. Il faudra donc se montrer prudent lors de la revanche avec Mirko Czentovic !

Gilbert Ponté, comédien de grand talent, nous conte cette nouvelle de Zweig. Le texte est fort, et nous sommes tenus en haleine tout au long de ce seul en scène. Le comédien, également metteur en scène, n’a souhaité aucun décor, seules quelques mesures de jazz çà et là nous permettent de reprendre notre souffle, puis nous sommes replongés dans cette partie aussi meurtrière que fut le régime nazi.

Gilbert Ponté se démultiplie et mime tous les personnages, changeant d’expressions et de parler à une vitesse incroyable. Le visage de ce comédien se métamorphose sous nos yeux à chaque instant. Stefan Zweig, loin de l’Europe, continue lui aussi de jouer en exil de multiples parties d’échecs pour combler le vide, pour tenter d’oublier pendant quelques instants la tyrannie du nazisme qui a brisé ses rêves, son idéal. « Joueur d’échecs », publié après son suicide, reste une œuvre majeure, et l’interprétation de Gilbert Ponté nous fait vivre un grand moment de théâtre.

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