Coups de coeur

L’Île des esclaves au théâtre le Lucernaire

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Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Beau jeu d’acteurs !

 

Marivaux, dramaturge du 18ème siècle, a écrit près d’un siècle avant la Révolution Française « L’île des esclaves », sorte de conte philosophique prônant l’égalité entre les différentes classes sociales. Cette idée novatrice pour l’époque a dû en amuser certains et en fâcher d’autres ! Certes, si l’esclavage ne sévissait plus dans notre beau pays depuis le début du 14ème siècle, il n’en demeure pas moins que la noblesse bénéficiait à l’époque de Marivaux de nombreux privilèges par rapport au petit peuple.

Sociologue avant l’heure, Marivaux imagine un scénario que l’on peut qualifier de fantastique, puisque l’action se déroule sur une île imaginaire avec un habitant singulier, sorte de marionnettiste, qui va expérimenter sur ces quatre naufragés une mutation de leur condition sociale. Maîtres et valets deviennent ainsi des hommes et des femmes parfaitement égaux. Animé par ce devoir d’égalité naturelle, Trivelin, ce génie insulaire doté de pouvoirs extraordinaires, demande à Iphicrate d’entrer dans la peau de son valet Arlequin et à Euphrosine de devenir Cléantis, sa servante, et vice versa, leur donnant trois ans pour atteindre leur but.

Pour mieux s’imprégner de leurs nouveaux personnages, nos naufragés doivent échanger leurs tenues respectives. Ce procédé est courant chez Marivaux et on le retrouve dans un grand nombre de ses pièces, influencé par la Commedia dell’Arte, tel que « Le jeu de l’amour et du hasard », joué récemment sur la même scène du Lucernaire.

Stephen Szekely assure la mise en scène de cette comédie aux allures bouffonnes, mais qui s’attaque en réalité à des thèmes majeurs de notre société, toujours d’actualité sous des aspects différents mais bien présents : la cruauté, l’inégalité, la haine, la vengeance…

Les cinq comédiens présents sur scène font partie de la troupe « Echappés de la coulisse ». Le décor est sobre, avec des tentures blanches en fond de scène, le bruit des vagues se fracassant sur les rochers, car nous sommes sur une île, ne l’oublions pas ! Une vapeur blanche donne une atmosphère brumeuse et mystérieuse.

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Marivaux a choisi des prénoms grecs, sans doute un clin d’œil à Sénèque et aux lettres de ce dernier à Lucilius, qui dénonçaient déjà la cruauté de certains maîtres à l’égard de leurs esclaves et souhaitaient que les hommes soient tous égaux : l’égalité naturelle !

Indéniablement, le parti des maîtres et maîtresses est mis à mal par leur comportement autoritaire et injuste envers leurs valets et servantes. Ces derniers sont également des hommes et des femmes, et ils méritent le respect.

« L’île des esclaves » est un hymne à l’égalité avec un épilogue empreint de moralité. Derrière cette gentille fable se cache un message fort, et l’auteur serait sans doute étonné que cette comédie ait encore un écho dans notre société du 21ème siècle.

Les comédiens nous offrent à la fin de la pièce une danse très expressive sur le plan gestuel. Est-ce le joug de l’esclavage toujours omniprésent ?

Actuellement au Théâtre Le Lucernaire

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