Saint-Exupéry le Commandeur des oiseaux
au Théâtre le Lucernaire

2025-06-12-ATA-Saint-Exupery-Avignon-©-Frederique-Toulet-014-Moyenne

Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Franck Desmedt, dans la peau de Saint-Exupéry

 

Quand on évoque le nom de Franck Desmedt, on pense immédiatement à ses brillantes interprétations dans La Promesse de l’Aube ou Kessel, la Liberté à tout prix.

Nous avons aujourd’hui le plaisir de le retrouver sur la scène du Lucernaire, dans Saint-Exupéry, le Commandeur des oiseaux.

Kessel et Saint-Exupéry : deux hommes hauts en couleur, dont les vies, véritables romans d’aventures, ne pouvaient que séduire le duo Mathieu Rannou et Franck Desmedt.

Mathieu Rannou a puisé dans l’œuvre de l’écrivain-aviateur pour adapter ce personnage mythique, en s’entourant pour la scénographie de Benoît Lavigne, un metteur en scène qui connaît bien l’univers aéronautique.
Souvenons-nous de sa pièce Le Roi des Pâquerettes, le jour où Blériot a traversé la Manche, également mise en scène par Lavigne.

Seul en scène, Franck Desmedt nous fait revivre les grands moments de la vie de celui que ses camarades surnommaient « Pique-la-Lune » — un sobriquet qu’il détestait — et qui deviendra pourtant l’un des plus grands noms de l’aviation postale, tout en étant poète, romancier et philosophe. Un homme qui eut la rare chance de connaître la célébrité de son vivant.

Né dans une famille aristocratique, il efface son titre de comte et saute avec malice la particule pour devenir simplement Saint-Ex.

Ce grand gaillard au cœur immense cultive un sens profond de l’amitié. Ses compagnons de vol Jean Mermoz et Henri Guillaumet sont comme des frères. Lorsque l’avion de Guillaumet s’écrase en 1930 dans la Cordillère des Andes, Saint-Exupéry part à sa recherche, volant à très basse altitude et risquant sa vie sans hésitation.

Poète avant tout, il écrit depuis l’enfance. Pour ce rêveur-né, piloter est une nécessité vitale : là-haut, au plus près des étoiles, il se sent libre et heureux. Mais voler dans les années 1920 exige sang-froid, audace et témérité. Saint-Exupéry est un personnage complexe, aux multiples facettes.

Sa rencontre avec l’Aéropostale lui permet de se réaliser pleinement.

« Je n’avais qu’un capital à risquer, disait-il lucidement : ma peau ! »

En décembre 1935, il relève un défi insensé : battre le record d’André Japy en ralliant Paris à Saïgon en moins de 87 heures, avec à la clé une prime de 150 000 francs. Mais son avion, qu’il surnomme son « pur-sang », s’écrase dans le désert du Sahara. Trois jours et trois nuits d’errance sans eau plus tard, lui et son mécanicien sont miraculeusement sauvés par une caravane.

De cette épreuve naîtra une des plus belles pages de Terre des hommes, dédiée à son ami Guillaumet :

« Eau, tu n’as ni goût, ni couleur, ni arôme… Tu n’es pas nécessaire à la vie : tu es la vie ! »

Il n’aura pas touché la prime, mais l’expérience nourrira son œuvre.

Vivre comme un aventurier a un prix : son épouse Consuelo Suncin, née au Salvador et épousée en 1931, supporte mal ses absences et ses silences. Elle rêve de stabilité, lui ne peut renoncer ni à l’écriture ni au vol. Leur couple traverse des tempêtes, des séparations, des réconciliations — mais l’amour demeure.

Cette même année 1931, il publie Vol de nuit.

Les accidents se succèdent : en 1938, au Guatemala, son avion s’écrase peu après le décollage, alourdi par un excès de carburant. Saint-Exupéry s’en sort miraculeusement, grièvement blessé.

Il perd successivement ses amis Mermoz puis Guillaumet.

Durant sa convalescence à New York, il rédige Terre des hommes, immense succès en France et à l’étranger en 1939.

Pendant la guerre, il donne des conférences au Canada, publie Pilote de guerre en 1943, puis le chef-d’œuvre Le Petit Prince.

La même année, il reçoit enfin sa feuille d’embarquement pour l’Afrique du Nord.

2025-06-12-ATA-Saint-Exupery-Avignon-©-Frederique-Toulet-075-Moyenne

En juillet 1944, il travaille à La Citadelle, son ultime ouvrage.

Mais le 31 juillet 1944 lui sera fatal.

Avant de partir, il laisse une lettre à son ami Daloz :

« Si je suis descendu, je ne regretterai absolument rien. La termitière future m’épouvante et je hais leur vertu de robots. Moi, j’étais fait pour être jardinier. »

Entrer dans la peau de Saint-Exupéry semble presque naturel pour Franck Desmedt, qui affectionne les figures hors normes.

Son énergie nous emporte : nous volons avec lui au-dessus de la Patagonie, partageons les sueurs froides d’un piqué du Bréguet 14, tremblons dans le Sahara à la recherche d’eau.

Avec intensité et sincérité, le comédien fait renaître l’humaniste, le frère, l’homme libre qu’était Saint-Exupéry.

Comme Kessel, il fut aussi reporter, couvrant la guerre d’Espagne, se rendant à Moscou, à New York, souvent en retard pour rendre ses articles — car avant tout, il était écrivain.

Certains diront qu’il a brûlé sa vie par les deux bouts. Peut-être. Mais Saint-Exupéry n’a jamais aimé les demi-mesures.

Une fois encore, Franck Desmedt prouve l’étendue de son talent : il porte en lui la stature de ces grands hommes.

Très longue vie au Commandeur des oiseaux !

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