
Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Du vivant et des mots qui résonnent
Carlo Goldoni, dit le « Molière italien », auteur vénitien, a légué à la postérité une œuvre considérable : plus de 150 pièces de théâtre et presque autant de livrets d’opéra.
Il a joué un rôle essentiel dans l’évolution du théâtre italien en rompant avec la traditionnelle commedia dell’arte, en y intégrant la comédie d’intrigue et des personnages plus réalistes.
Controversé et victime de vives critiques, Carlo Goldoni quitte Venise pour la France. Il s’installe à Paris, où il passe plus de trente ans. Il y dirige le Théâtre-Italien et écrit plusieurs de ses pièces en langue française.
En 1793, il s’éteint à Paris, où il est inhumé.
Benoît Lepecq et Corinne François-Denève ont tous deux écrit Les Femmes Goldoni, une pièce dont l’action se déroule le jour de l’enterrement du grand maître.
Maddalena Marliani et sa nièce Teodora Madebach, toutes deux comédiennes, viennent d’assister aux funérailles de Goldoni. Elles ont accompagné sa veuve, Nicoletta Conio, jusqu’au cimetière Sainte-Catherine.
Nous sommes en février 1793 : le froid sévit sur Paris, mais la Terreur aussi.
Quelques jours plus tôt, Louis XVI a été guillotiné.
Par prudence, Maddalena s’est travestie en homme pour circuler plus librement dans les rues.
Teodora, quant à elle, plus coquette, arbore une somptueuse robe noire à crinoline.
Fatiguées par cette journée éprouvante, elles poussent la porte d’une auberge.
Le lieu, rustique et populaire, est bien éloigné de leur standing, mais il a le mérite de proposer un poêle, un repas chaud et un lit pour la nuit.
C’est alors qu’apparaît Andoche, le tenancier, un personnage à la gouaille bien parisienne, sorte de Gavroche avant l’heure.
Il porte fièrement la cocarde tricolore sur son gilet, et les murs de son auberge sont ornés de textes révolutionnaires. Il est du tiers état, et il le revendique haut et fort.
Les auteurs ont voulu recréer une atmosphère que Goldoni aurait sans doute aimée : celle de la confrontation de deux classes sociales que tout oppose, mais que les circonstances obligent à dialoguer.
Les deux comédiennes, en quête d’un abri, se retrouvent prises au piège de cette soirée singulière.
Andoche, chez lui, impose sa loi.

Les discussions sont vives, parfois animées. Et pas seulement avec l’aubergiste — qui, sous des dehors de garçon des Halles, révèle des traits étonnamment féminins — mais aussi entre Maddalena et Teodora, qui semblent rejouer une scène de théâtre.
Elles s’invectivent, se jalousent.
Teodora, qui a incarné Mirandolina, le personnage central de La Locandiera, se considère comme la préférée de Goldoni… du moins le croit-elle.
Les masques tombent. Fin de la comédie.
Maddalena révèle qu’elle est bien une femme sous son déguisement.
Et lorsqu’une casquette chute, on découvre qu’Andoche aussi était travestie : derrière le Gavroche se cache une femme.
Les rebondissements s’enchaînent.
Au fil des révélations, il apparaît que Carlo Goldoni fréquentait régulièrement cette auberge.
Il y écrivait, s’y inspirait, et conversait longuement avec l’aubergiste.
Cette dernière s’entête à l’appeler « Goldini »… mais aucun doute : les trois femmes parlent bien du même homme, leur vénérable maître, Carlo Goldoni.
Trois comédiennes de talent incarnent ces Femmes de Goldoni :
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Marianne Chassagne dans le rôle de Maddalena Marliani,
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Céline Forest campe Teodora Madebach,
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Lou Defressigne est Andoche, le Gavroche-aubergiste des Halles.
Le théâtre de Carlo Goldoni reste toujours très présent aujourd’hui.
À l’affiche, on peut encore voir L’École de danse, Les Commères de Venise, ou plus récemment : Des Dames de qualité ou les délices du chocolat…
Nul doute que Goldoni aurait apprécié Les Femmes Goldoni, car le texte et la mise en scène signés Benoît Lepecq reprennent fidèlement l’esprit des comédies de celui qui fut Molière… italien de naissance, mais aussi français de cœur.