
Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Une ode à la résilience et à l’amour filial
Après le succès triomphal des Poupées Persanes et la récompense d’un Molière en 2023, Aïda Asgharzadeh revient avec une nouvelle création présentée cet été au Festival d’Avignon : Le dernier cèdre du Liban, actuellement à l’affiche du Théâtre de l’Œuvre.
La forêt des cèdres du Liban, surnommée les « Cèdres de Dieu », demeure un lieu sacré.
Lamartine lui-même s’en est ému dans Le Chœur des cèdres du Liban.
La légende raconte que parmi ces arbres millénaires, l’un d’eux, planté il y a plus de 3000 ans, porte un tronc noirci comme foudroyé… et pourtant, au creux de ce tronc, subsiste un fruit intact.
Quelle magnifique métaphore !
Sur la scène du Théâtre de l’Œuvre, trois comédiens livrent une partition bouleversante.
La jeune et talentueuse Maélis Adalle incarne Eva, une orpheline de 16 ans placée dans un centre éducatif fermé à Mont-de-Marsan.
Délinquante, révoltée, en marge de la société, Eva fume, parle crûment, et se comporte comme une femme affranchie.
Mais derrière cette carapace de colère, se cache une immense détresse.
Pour elle, la vie n’est qu’une succession de contraintes, un tunnel sans lumière… jusqu’au jour où elle reçoit la convocation d’un notaire.
Sa mère, Anna Duval, vient de décéder, lui léguant un coffret contenant des dizaines de microcassettes et un dictaphone.
Drôle d’héritage !
Après bien des hésitations, Eva se décide à écouter la voix de celle qui l’a mise au monde avant de l’abandonner.
Cette voix d’outre-tombe agit comme une déflagration : plus elle écoute, plus sa haine envers sa mère s’intensifie.
À ses côtés, le formidable Azédine Benamara, seul homme du spectacle, campe avec brio tous les personnages masculins : copain, éducateur, notaire, journaliste, médecin, amant… une véritable performance d’acteur !

Enfin, dans le rôle d’Anna Duval, la comédienne Magali Genoud, que l’on a pu applaudir dans Intra Muros et Le Porteur d’Histoire d’Alexis Michalik, ou encore La Chambre des merveilles, livre une interprétation bouleversante.
Anna est reporter de guerre. Elle a couvert les conflits du Liban, de la Bosnie, ou encore la chute du Mur de Berlin.
Toujours sur le front, elle ne se sent vivante qu’au milieu du chaos.
Ses photos capturent l’horreur, les visages de la peur, les enfants perdus dans les ruines.
Et le soir venu, elle noie ses blessures dans l’alcool et la fête, comme pour oublier.
Comment une femme ainsi happée par les tragédies du monde pourrait-elle être mère ?
Après un avortement raté, elle met au monde Eva, qu’elle confie à l’assistance publique.
Mais Anna n’oubliera jamais son enfant. Même au fond d’une prison syrienne, elle pense à elle et lui enregistre des messages sur cassette, comme des bouteilles à la mer, dans l’espoir d’un jour être pardonnée.
La pièce d’Aïda Asgharzadeh met nos émotions à rude épreuve.
Admirablement interprétée, elle explore la fragilité de ces jeunes en colère, en quête d’amour, et la complexité du lien mère-fille, tissé d’absence, de douleur, mais aussi d’une force vitale inébranlable.
Durant 1h20, la mise en scène inventive de Nikola Carton nous captive sans relâche.
Un trio d’acteurs éblouissant, une écriture sensible et puissante : « Le dernier cèdre du Liban » est un spectacle à ne pas manquer.
Un coup de cœur théâtral.
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