
Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Un vibrant hommage à la Révolution des Œillets
Auteur et comédien, Lionel Cecilio présente actuellement au Théâtre de la Huchette sa dernière création, La Fleur au Fusil, mise en scène par Jean-Philippe Daguerre, récemment récompensé pour Du charbon dans les veines (Meilleure mise en scène d’un spectacle de théâtre privé).
On se souvient de son précédent seul en scène, Voyage dans les mémoires d’un fou, écrit et interprété par Lionel Cecilio, qui avait déjà conquis le public par son intensité et son interprétation habitée.
Avec La Fleur au Fusil, il renouvelle l’expérience du seul en scène. Pendant 1h10, il incarne une multitude de personnages français et portugais dans un hommage vibrant à la Révolution des Œillets, qui mit fin à près de quarante ans de dictature au Portugal.
L’action se déroule en France. Le 25 avril 1974 paraît bien lointain pour la jeunesse d’aujourd’hui : un souvenir vague, une page d’histoire devenue jour férié au Portugal.
Le narrateur, d’origine portugaise, anime une émission de radio qui peine à trouver son public. Ce soir-là, il dîne chez Céleste, sa grand-mère. Dépité par le peu d’auditeurs, il n’a guère le moral.
Comme beaucoup de Français d’origine portugaise, ses grands-parents ont émigré après la chute de la dictature, ont bâti une nouvelle vie, élevé leurs enfants, puis leurs petits-enfants… Mais que sait réellement cette dernière génération de la révolution qui mit fin au régime salazariste ? Comment leurs aïeux ont-ils vécu ces événements ?
Face au découragement de son petit-fils, Céleste, d’ordinaire discrète sur ses années à Lisbonne, va lui ouvrir son cœur. Elle lui montre que tout est possible avec de la volonté et que le simple fait d’être deux est déjà une force.
Pour la première fois, le jeune homme découvre une autre facette de cette grand-mère laborieuse et réservée : une femme passionnée, courageuse, militante.
Céleste raconte sa jeunesse, ses amours, les conditions de vie de l’époque et son engagement dans la résistance, jusqu’à la chute du régime.
Un monde à mille lieues de celui de son petit-fils !
À travers ce récit, Lionel Cecilio exprime une nostalgie lucide face au manque de curiosité de certains jeunes, plus préoccupés par leur quotidien que par la mémoire de leurs anciens. La transmission devient ici le fil conducteur.
Céleste veut que son petit-fils comprenne qu’à l’époque de Salazar, la majorité des Portugais vivaient dans une grande pauvreté, et que la censure rendait toute contestation insupportable.
Les guerres coloniales en Angola et au Mozambique ont fait des milliers de victimes. Pour en finir avec ces conflits meurtriers, des mouvements de résistance se sont organisés. Elle-même, son frère et son mari, aujourd’hui disparus, ont participé activement à la libération de leur pays.
Le petit-fils découvre alors les violences physiques et morales subies par sa grand-mère, et son incroyable résilience. Il la savait forte ; elle devient une véritable héroïne.
Ainsi, le 24 avril 1974, alors qu’elle travaille dans un restaurant de la rue Braamcamp à Lisbonne, Alceste offre des œillets à toutes les femmes et les hommes en marche vers le Marché aux Fleurs.
Son frère, exécuté peu avant la révolution, avait accompli un acte héroïque : faire diffuser à la radio une chanson interdite, Grândola, Vila Morena de Zeca Afonso, enregistrée en France. Cette mélodie deviendra le signal de la chute de la dictature et de la Liberté retrouvée.
La victoire des trois D : Démocratiser. Décoloniser. Développer.
Sur fond politique, cette pièce mêle amour, humour, violence, mort et espoir.
Jean-Philippe Daguerre n’a pas adapté l’intégralité du texte original, mais en a extrait la substantifique moelle, sublimant le propos par une mise en scène fine et rythmée.
Lionel Cecilio nous offre un spectacle ému et émouvant, qui éclaire une page d’histoire encore trop peu représentée au théâtre. Avec une aisance remarquable, il passe d’un personnage à l’autre, du français au portugais, des larmes au rire, avec une énergie phénoménale et un talent de conteur rare.
Si le sujet peut sembler grave, l’auteur y glisse des moments drôles, voire cocasses comme cette scène irrésistible où il imite une dame de petite vertu au titi parisien inimitable.
L’œillet, à la boutonnière ou au bout d’un fusil, reste un symbole puissant de liberté, d’un peuple marchant ensemble vers un Portugal démocratique et apaisé.
Ce spectacle est le fruit d’une synergie de talents : celui de Lionel Cecilio, comédien inspiré, et de Jean-Philippe Daguerre, metteur en scène inspirant.
Courez au Théâtre de la Huchette avant le 18 novembre 2025 !
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