La Chute au Théâtre Essaïon

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Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Saisissante interprétation !

 

Jean-Baptiste Artigas, comédien, pianiste et metteur en scène, joue actuellement au Théâtre Essaïon : La Chute.

Jacques Galaup signe l’adaptation de cette œuvre magistrale d’Albert Camus, en en conservant toute la substantifique moelle.

Seul en scène, dans un décor épuré – deux chaises en bois et un piano – Jean-Baptiste Artigas nous emmène au cœur des cinq actes de cette pièce.
L’atmosphère est sombre, presque oppressante, dans un bar d’Amsterdam : Le Mexico City.

Un homme, d’origine française et au langage châtié, engage la conversation avec un client du bar. Ce dernier ne répond jamais : la seconde chaise demeure désespérément vide.

Artigas incarne cet exilé, Me Jean-Baptiste Clamence, ancien avocat parisien, qui, après de longues errances, a échoué dans ce bar à matelots du quartier du Zeedijk.
Devenu juge-pénitent, il installe chaque soir son tribunal intime dans ce lieu tenu, selon lui, « par des primates – mais eux, au moins, n’ont pas d’arrière-pensées ! »

Il écoute les marins, leurs chants, leurs chagrins, un verre de genièvre à la main.
Le temps s’écoule, lentement, dans ce décor mélancolique des canaux d’Amsterdam.

Dans une autre vie, ce juge-pénitent défendait les nobles causes, impartial, respecté de tous.

« On aurait cru vraiment que la justice couchait avec moi tous les soirs. »
« J’étais en quelque sorte moitié Cerdan, moitié De Gaulle. »

Tout au long de ces cinq soirées, Jean-Baptiste Clamence poursuit son soliloque, se dévoile, et dénonce les travers de l’humanité :

« Chaque homme a besoin d’esclaves comme d’air pur. »
« Tous coupables et tous justes. »

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Fuyant Paris, cette ville qu’il chérissait, il tente d’échapper à un rire obsédant qui le hante. Le voici installé à Mexico City, dans ce nouveau rôle : celui de juge-pénitent.

Jean-Baptiste Artigas incarne avec brio ce personnage sombre, dérangeant, profondément humain.
Excellent pianiste de jazz, il interprète avec talent des compositions de Duke Ellington, de Kosma… Ces pauses musicales sont comme des bouffées d’oxygène : plus la pièce avance, plus le personnage devient opaque, et plus il nous interpelle.

Nous prenons place, vous et moi, sur cette chaise vide. Le piano droit, mis à nu, devient le miroir du pénitent : il dévoile l’intériorité de cet homme brisé.

La Chute d’Albert Camus est un jeu de miroirs reflétant les maux de l’humanité : la fornication, la jalousie, l’obsession du jugement.
Ce juge-pénitent doit payer. Il doit se repentir de sa lâcheté.

Cette pièce, plusieurs fois adaptée au théâtre ces dernières années, a vu le jour ici grâce à la collaboration artistique de Guillaume Destrem et de Sophie Nicollas.
La lumière y joue un rôle fondamental dans ce théâtre de la vérité, et Caroline Calen en signe une mise en lumière faite de clairs-obscurs subtils et pertinents.

Un grand bravo à Jean-Baptiste Artigas, qui nous dévoile une fois de plus son immense talent, à la fois de comédien et de musicien.

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