Apollonie et Baudelaire au Studio Hébertot

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Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Une interprétation poétique et émouvante !

 

Céline Debayle, auteure du roman, et Georges-Marie About ont adapté pour le théâtre : « Baudelaire et Apollonie, le rendez-vous charnel ».

Roxane Le Texier incarne avec brio cette muse du XIXe siècle, véritable égérie du monde artistique qu’était Apollonie Sabatier.

Chaque dimanche, au 4 de la rue Frochot à Paris, Apollonie, dite « La Présidente », reçoit chez elle écrivains, poètes, peintres, sculpteurs… Théophile Gautier, Flaubert, Nerval, de Musset, Baudelaire, Courbet, Clésinger… sont des habitués.

L’idée de tenir salon revient à celui qui fut, des années durant, son amant et bienfaiteur : Alfred Mosselman, riche industriel belge.

Elle change son prénom, Aglaé, en Apollonie, évoquant ainsi l’inspiration par son étymologie grecque, un choix qui lui sied à merveille.

Est-elle, au sens strict du terme, une courtisane ? En vérité, elle ne possède aucune fortune personnelle, est issue d’un milieu modeste et n’a suivi aucune étude. C’est donc une autodidacte, avant tout une femme libre et sensible aux arts.

Avantagée par la nature, elle est indéniablement une femme aux multiples charmes, qui ne laisse pas la gent masculine insensible.

Frédéric Morel, costumier, a su mettre en valeur la beauté de cette égérie. Les somptueuses robes portées par Roxane Le Texier, ainsi que les costumes masculins de Théophile Gautier, incarné par Bruno Biezunski, ou ceux d’Alexandre Triaca, jouant le rôle d’Alfred Mosselman, participent à la magie de la reconstitution.

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L’atmosphère d’un salon littéraire du XIXe siècle est parfaitement retranscrite. Ces dîners hebdomadaires se veulent avant tout joyeux. On y parle de littérature, de peinture, de politique… Mais on s’amuse également, avec des jeux de société, tels que les charades. Madame la Présidente est, il va sans dire, la reine de ces dîners.

Pour plaire à son amant et après bien des réticences, Apollonie accepte de poser pour Auguste Clésinger. La pose, assez suggestive, voire érotique, aboutit à une sculpture intégrant le Salon sous le titre « La Femme piquée par un serpent », encore visible aujourd’hui au Musée d’Orsay.

Il fallait une certaine audace pour accepter de poser ainsi et d’être exposée aux regards de centaines de visiteurs lors de cette grande Exposition annuelle.

Si Apollonie est une très belle femme, elle ne manque pas d’esprit et se trouve fort courtisée. Pourtant, l’envoi de poèmes anonymes à son intention attise sa curiosité. Elle finit par en reconnaître l’écriture : l’auteur n’est autre que Charles Baudelaire, un habitué du salon du dimanche !

Ce poète torturé, timide et craignant d’être éconduit, reste longtemps dans l’ombre. Pourtant, il brûle d’amour pour la belle Apollonie. Il lui dédie dix poèmes intégrés aux « Fleurs du Mal », tels que « Le Flambeau vivant », « Harmonie du soir » ou « Le Flacon ».

Malheureusement, « Les Fleurs du Mal » sont frappées de censure. Baudelaire est condamné à une lourde amende, ainsi que son éditeur.

Dans le rôle du poète maudit, Luc Betton incarne avec justesse cet artiste incompris de ses contemporains, traînant une profonde mélancolie qui charme Apollonie.

Une seule nuit d’amour, après cinq longues années d’attente, unit enfin « La Présidente » et ce poète excentrique dont elle est subjuguée par la beauté des vers.

Mais Baudelaire est un être tourmenté, toujours sous l’emprise de Jeanne Duval, cette femme dont il ne parvient pas à se détacher. Il s’éloigne alors d’Apollonie, la laissant à son chagrin.

Aujourd’hui, les salons littéraires ont fermé leurs portes depuis bien longtemps. Apollonie et Anna de Noailles furent peut-être les dernières grandes hôtesses de ces cercles intellectuels.

Aussi, quelle belle idée que de faire renaître sous nos yeux la douce atmosphère d’une époque révolue…

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