
Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Magnifique, intense et émouvant !
Une femme élégamment vêtue déambule sur la scène. Puis, face au public, hésitante, elle se jette à l’eau — en quelque sorte.
Cette femme, dont nous ignorons l’identité, éprouve le besoin de nous livrer, avec une sincérité désarmante, une histoire gravée à jamais dans sa mémoire, malgré le temps qui passe.
Elle souhaite nous en confier les moindres détails, car tous ont leur importance.
Ce sera une ultime confession… sans demande de pardon.
« Ma vie, jusqu’à ma quarante-deuxième année, ne s’écarte en rien de l’ordinaire. »
Mais en une seule journée, la vie de cette femme respectable et sans histoire bascule.
Stefan Zweig publie Vingt-quatre heures de la vie d’une femme en 1927. Depuis, cette nouvelle a été portée à la scène de nombreuses fois.
Le Lucernaire en présente actuellement une adaptation signée Anne Martinet, qui assure également l’interprétation, épaulée par Juan Crespillo à la mise en scène.
Anne Martinet incarne cette quadragénaire écossaise très distinguée, veuve, mère de deux fils désormais adultes.
Très affectée par la disparition brutale de son époux, portant toujours le deuil, elle voyage à travers l’Europe — et particulièrement en France — dans l’espoir d’apaiser son chagrin.
Cette errance la conduit jusqu’à Monte-Carlo. Et c’est là, précisément, que tout bascule : une véritable tempête intérieure va venir bouleverser son existence et remettre en question toutes ses certitudes.
Anne Martinet nous livre cette histoire avec une sincérité poignante.
Elle ressent le besoin impérieux de partager ce secret enfoui, comme si elle cherchait à se libérer d’un poids devenu trop lourd à porter.
Un événement récent a ravivé ce souvenir : alors qu’elle séjourne dans un hôtel familial, une autre vacancière, apparemment irréprochable, s’enfuit avec un jeune homme charmant, abandonnant mari et enfants.
Dans l’établissement, les langues se délient, les critiques fusent. Mais cette aventure fait remonter à la surface, chez notre narratrice, le souvenir d’une journée très particulière, vécue des années plus tôt.
Freud aurait été fasciné par la complexité des sentiments de cette veuve, pleine d’empathie pour un jeune homme ayant tout perdu au casino de Monte-Carlo, au bord du désespoir.
Ce qui commence comme un simple geste de compassion prend vite une tournure inattendue : après une nuit passée avec ce jeune homme en détresse, elle se réveille envahie par la honte.
En voulant être charitable, elle est tombée dans un piège… dont elle ne souhaite pourtant pas faire tout un récit.
Sa bonne éducation la ramène à l’ordre — mais pour peu de temps.
Un nouveau jour se lève. La vie reprend ses droits.
Fini le noir d’un deuil interminable. Adieu, tristesse !
Elle redevient une femme capable d’émotion, une femme désirable.
Bonne samaritaine dans l’âme, elle souhaite encore sauver ce jeune homme de la spirale du jeu… mais son cœur, lui, a décidé autrement.
Lui, touché par la noblesse de cette femme, se montre reconnaissant et sincèrement ému.
Mais il ne comprend pas que celle qui l’a empêché de commettre l’irréparable est désormais tombée amoureuse.
Méprise des sentiments…

Le monologue de cette femme nous trouble, nous émeut, nous inquiète.
Il laisse présager que ce coup de foudre pourrait bien la mener vers des zones de fortes turbulences.
Avec une franchise bouleversante, elle avoue être prête à prendre tous les risques.
De femme forte, elle devient soudain capable des plus grandes folies — en quelques heures à peine.
Anne Martinet transmet à travers son jeu une grande émotion, une touchante fragilité. Son interprétation est absolument remarquable.
Tout au long de la pièce, un petit transistor des années 60 distille des morceaux de Luigi Tenco, Louane, Grand Corps Malade… qui rythment ces vingt-quatre heures interminables.
Ce monologue d’une grande franchise nous bouleverse… et nous interroge.
Courez applaudir cette comédienne talentueuse !