La petite fille de Monsieur Linh au Théâtre Lucernaire

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Distribution : 

Sylvie Dorliat

A l’affiche : 

Jusqu’au 20 août 2017

Lieu : 

Théâtre Lucernaire

53, rue Notre Dame des Champs

75006 PARIS

Comparez les prix : 

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Par Ingmar Bergmann pour Carré Or TV

Les blessures invisibles à l’œil nu.

 

Terre inconnue.

Dans une scénographie suggestive, quoique très austère et réduite à l’essentiel, l’actrice Sylvie Dorliat est seule en scène et nous raconte l’histoire de Monsieur Linh, un vieil homme fuyant la guerre qui se déroule dans son pays d’Asie, pour se réfugier dans un pays d’Occident, voulant sauver sa petite-fille, aussi petite et fragile qu’une poupée. La guerre et la mort de son entourage l’ont complètement ébranlé, au point qu’il a perdu tous ses repères, une situation d’égarement absolu que son état de réfugié en terre inconnue, ne fera qu’aggraver encore.

L’universel et le « presque rien ».

 

Nous sommes sur le bateau qui les transporte de l’autre côté des mers. Nous sommes dans le foyer des réfugiés où il est logé avec d’autres personnes de la même origine que lui et dont la situation est comparable à la sienne, mais qui ne le comprennent pas ni, surtout, ne cherchent à le comprendre. Nous sommes dans la rue lorsqu’il effectue avec témérité sa première promenade. Nous sommes sur le banc qui lui offre son premier point de vue sur la ville étrangère et, aussi, son premier ami sur cette nouvelle terre, dont il ne comprend pas les mots mais qui le comprend « autrement ». Nous sommes dans le parc et sur le carrousel aux chevaux de bois qu’il caresse du regard. Nous sommes dans le restaurant où son ami l’invite afin de le remercier du cadeau qu’il lui fait, et célébrer leur amitié. Une vie se met en place, avec ses repères dérisoires et ses plaisirs minuscules, et nous pensons bientôt, avec lui, que ces « presque rien » commencent à remplacer, même partiellement et tant bien que mal, le tout qui lui fut ravi et ce qu’il a dû encore, en plus, abandonner dans sa fuite, lorsqu’il a été forcé de quitter son pays, gigantesque tombeau, à ciel ouvert, de sa famille détruite et de villages décimés.

Nul conte pour enfants sans cruauté.

 

C‘est sans compter les bonnes intentions institutionnalisées des organisations nationales et internationales qui, paradoxalement, ne font que parachever dans une bienveillance de guimauve et des sourires sucrés, les ravages amorcés par les guerres. Nous ne saurons pas quel est le pays qu’il a fui, ni dans quel pays il se sera réfugié. Concernant le premier, on pense évidemment au Japon, à la Corée, au Vietnam ; concernant le second, on pense évidemment aux États-Unis d’Amérique mais, pas une seule fois, nos hypothèses ne seront étayées par l’auteur, qui pense probablement, par cette imprécision calculée, qui confine à la métaphore, suggérer l’universel, comme dans les contes pour enfants.

L’enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Qu’est-ce que nous offrons à ceux qui immigrent chez nous ? Qu’est-ce qu’il est vital de leur offrir et, même lorsque nous prenons en charge leurs besoins matériels, est-ce bien suffisant ? Inversement, a-t-on déjà observé que le comblement providentiel de leurs besoins élémentaires, entre parfois en un conflit destructeur avec l’humanité réelle de ceux que l’on prétend protéger, conduisant finalement et paradoxalement à les marginaliser, après les avoir forcés, d’abord, à trahir leur intuition, quand leur bon sens avait peut-être déjà commencé à les intégrer parmi nous ? N’est-il pas déplorable, parfois, que les bonnes intentions conduisent à nuire plutôt qu’à sauver ? Toutes ces questions devraient constituer le cœur des préoccupations relatives à notre actualité brûlante, à une époque comme la nôtre, où tant d’êtres, notamment originaires du Proche-Orient, fuient aujourd’hui leurs pays, dévastés par les guerres, dans le très fragile espoir de pouvoir survivre chez nous, qui ne savons les traiter, au mieux, que comme un flux à écluser.

La candeur des Occidentaux.

 

Malgré quelques indices annonciateurs auxquels nous n’avions guère prêté attention jusqu’alors, le coup de théâtre final, pensant d’abord nous désappointer tant il nous paraît facile, de la part de l’auteur Philippe Claudel qui s’est bien moqué de notre candeur tout au long de son récit, nous plonge finalement dans un abîme, lorsque nous acceptons de considérer, dans un second temps, jusqu’à quel degré de dévastation nous conduisent les horreurs de la guerre. Les blessures invisibles à l’œil nu, sont celles dont on ne peut pas guérir. Telle est l’une des nombreuses leçons distillées patiemment par cette œuvre romanesque, portée devant nos yeux et avec beaucoup de grâce par la sobriété de la mise-en-scène de Célia Nogues, que l’on n’hésitera pas à aller voir, en compagnie des jeunes et des moins jeunes.

3 plusieurs commentaires

  1. Très beau texte, magnifique interprétation de l artiste, mise en scène sobre mais très juste! Très beau moment!

  2. Le texte de Philippe Claudel est magnifique, son interprétation tout aussi forte et délicate.

  3. Très joli texte, extrêmement bien mis en valeur ! Autant par le jeu que par le décor très sobre, la lumière et le son ! Un joli moment passé dans ce joli endroit !

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